21 septembre 2008

White Christmas (Michael Curtiz, 1954)


White Christmas (Noël Blanc) de Michael Curtiz est sans doute l'un des films les plus aimé des Américains et l'un des plus diffusé sur leurs grandes chaînes au moment de Noël. C'est un film sympathique qui est loin d'être un titre majeur du genre Musical et pourtant, c'est un film passionnant pour plus d'une raison.

Après la Seconde Guerre Mondiale, deux soldats (Bing Crosby et Danny Kaye) se retrouvent et décident de former un duo de chanteurs de music-hall. Ils font la connaissance de deux sœurs (Vera-Ellen et Rosemary Clooney), chanteuses elles aussi, en partance pour le Vermont pour honorer un contrat de fin d'année dans un hôtel isolé dans la campagne dirigé par un ex-général auquel ses soldats sont venus rendre visite. Les quatre artistes y vont ensemble mais une fois arrivés sur place et les fêtes approchant, la neige se fait attendre... et avec elle les touristes. Les quatre chanteurs vont-ils se retrouver à pousser la chanson dans une salle vide de clients ?

Crosby, Kaye et Vera-Ellen sont égaux à eux-mêmes, Clooney est excellente mais c'est une actrice trop cérébrale pour le musical léger (enfin, c'est mon opinion) et Michael Curtiz ne s'est pas trop cassé la tête pour la réalisation, très professionnelle comme d'habitude mais sans le génie dont il en était capable. De plus, les chansons de Berlin qui parsèment le film ne sont pas, et de loin, celles que je préfère. Alors, qu'est ce qui rend White Christmas intéressant ?

- Evidemment l'utilisation du Technicolor, exceptionnelle. Le contraste entre les couleurs de Noël (rouge, vert et blanc) et les décors et costumes du show que la petite troupe monte donne l'occasion au procédé couleur de montrer toutes ses possibilités.

- L'énigmatique signification du personnage de ce général rétraité, reconverti en hôtelier dépressif et de ses ex-soldats qui lui permettent de rejouer au théâtre un moment passé de sa carrière. Qu'est ce que le scénariste a voulu exprimer par là ? C'est sympa de la part de Crosby et des soldats de se dévouer comme ça à leur ancien boss mais qu'est-ce que ça dit sur l'armée et la carrière ? Que le pays a mis à la retraite des gradés dont l'US Army aurait encore bien besoin ? Que les militaires et les entertainers, c'est un peu la même chose ? C'est loin d'être clair, surtout en plein milieu de la Guerre de Corée.

- L'homosexualité probable du personnage joué par Danny Kaye (lui-même un acteur bisexuel) qui éclaire différemment toutes ses scènes avec Bing Crosby et donnent au film une audace thématique assez subversive. La scène - franchement bizarre - du travestissement en play-back, celle de sa séduction laborieuse sur le canapé par Vera-Ellen, de ses fausses fiançailles et tout le jeu corporel et facial de Kaye permettent une lecture alternative de son rôle dans le film. Tout est suggéré bien sûr (et a dû passer au-dessus de la tête de Curtiz) mais joue brillamment avec les codes de censure de l'époque.

- La violence de la charge contre la danse contemporaine qui arrivait alors à Broadway et Hollywood dans le morceau "Choreography" (avec les paroles ironiques "Aujourd'hui on ne danse plus, on fait de la choréographie..."). Je n'ai jamais vu dans un film musical de ce type une critique aussi virulente contre les orientations nouvelles de la danse de l'époque. White Christmas est sorti en 1954 et la séquence où Kaye et les tristes danseuses en gris singent le style de choréographie que Bob Fosse venait d'imposer dans quelques scènes du film Kiss Me Kate (sorti en 1953) en dit long sur l'esprit réactionaire d'une partie de l'establishment hollywoodien de l'époque. Cette séquence musicale étonnante est à mon avis la plus intéressante de tout White Christmas.

Il faut donc revoir White Christmas, pas forcément pour le plaisir du film lui-même, finalement assez modéré, mais pour tout ce qu'il suggère sur l'armée US, la sexualité et les bouleversements chorégraphiques des années 50. C'est un grand film familial de Noël d'accord, mais c'est un peu plus que ça si on lit entre ses lignes.

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