20 septembre 2008
Fateless (Lajos Koltaï, 2005)
Fateless (Sorstalansag) est un film hongrois sur l’Holocauste sorti à la sauvette en France en 2007 (sous le titre maladroit Etre sans Destin) et qui semble avoir divisé la critique. Le scénario a été écrit par le hongrois Imre Kertesz (Prix Nobel de Littérature en 2002) d’après son roman autobiographique et il a été réalisé par Lajos Koltai, un pro de la direction photo.
C’est l’histoire d’un jeune juif hongrois de 14 ans qui est déporté en 1944 de Budapest vers Auschwitz puis Buchenwald, qui survit et qui revient chez lui à la fin de la guerre.
Le film ressemble dans son approche du personnage au Pianiste de Polanski (le jeune garçon est aussi passif par rapport à ce qui lui arrive que le pianiste) mais le traitement visuel est très différent : toutes les scènes sont courtes, se terminent sur un fondu au noir et se vident de leur couleur au fur et à mesure de la progression de l’histoire. Le travail sur la composition de l’image et la couleur est impressionnant. La forme semble être une représentation de ce qui se passe dans la tête du jeune déporté. L’essentiel du film, qui se passe dans les camps de concentration, est très graphique mais avec une façon de filmer qui en poétise beaucoup l’effet (un lever de soleil, la lumière des miradors la nuit, la pluie et la boue, les rayures des uniformes…). Il y a notamment une très longue scène d’appel qui est à la fois bouleversante et splendide : c’est le plus « beau » passage du film. A un autre moment, alors qu’il est emporté pour mourant sur une charrette de cadavres, il voit l’extérieur d’un crématorium : comme il a la tête renversée, on assiste comme lui à la scène à l’envers. Plusieurs fois, le personnage principal nous regarde droit dans les yeux. J’ai parfois pensé à Come and See de Klimov. Ennio Morricone a composé la BO en utilisant des motifs de musique judaïque mélangés à ses incantations vocales féminines habituelles. C’est l’accumulation de ces effets esthétiques qui semble avoir dérangé une partie de la critique et des spectateurs. Le scénariste et le réalisateur s’en sont expliqués en disant que c’était le seul traitement qui permettait de transposer à l’écran la qualité littéraire du matériel original.
Le dernier quart d’heure est le plus questionnable : de retour à Budapest, le garçon se heurte au désintérêt de ceux qui n’ont pas vécu son calvaire, on lui ferme les portes au nez et il se retrouve à la rue au milieu d’une ville qui se remet au travail. Et il se rappelle (en voix off) des rares mais intenses moments de solidarité et de bonheur qu’il a connus à Auschwitz et Buchenwald…
Le jeune acteur principal est excellent et le film, qui dure 2h20 est parfaitement structuré, sans aucune longueur. Fateless porte un regard cinématographique quasiment inédit sur l’Holocauste et relance la question (après Schindler, Grey Zone, La Vie est Belle, Le Pianiste…) de ce que le cinéma peut ou doit faire quand il traite de ce sujet. C’est un film qui ne peut que laisser perplexe d’abord, puis admiratif ou en colère. Vu en DVD Z1.
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