The Pervert's Guide to Cinema est un documentaire de 2006 produit en Hollande & réalisé par Sophie Fiennes. Je n'en avais jamais entendu parler avant d'en lire une mention sur le forum Criterion puis quelques critiques très intrigantes sur IMDB et autres. Le titre lui-même étant titillant et le DVD existant en Z2 UK (avec sous-titres français), je l'ai commandé et vu.
Dans le genre documentaire sur le cinéma, c'est vraiment une pépite et une expérience à part entière. Ce documentaire est en fait une conférence en anglais du philosophe-psychanalyste (il est aussi sans doute plein d'autres choses) slovène Slavoj Zizek - qui est apparemment très connu dans le milieu psychanalyse lacanienne et sociologie - sur les raisons profondes qui poussent les cinéphiles à regarder sans fin des films et sur les rapports entre le cinéma de fiction et le réel. L'idée force de Zizek est que "le cinéphile regarde un film comme il regarderait dans la cuvette de chiottes de toilettes publiques dont la chasse n'aurait pas été tirée. Le cinéphile dans l'acte de regarder un film tirerait la chasse qui, dans une inversion effroyable et sublime à la fois, lui enverrait toute la m... à la gueule au lieu de vider la cuvette". Il fallait y penser...
Le documentaire est divisé en trois parties de 50 minutes et très abondamment illustré d'extraits de classiques et de films un peu moins connus de l'histoire du cinéma, du cinéma muet aux blockbusters contemporains. La réalisatrice Sophie Fiennes a eu une idée géniale : elle fait parler Zizek dans le décor reconstitué des films qu'il commente, avec la même ambiance. Par exemple, pour parler des "Oiseaux" d'Hitchcock, il parle dans un canot avec lequel il traverse Bodega Bay ; pour "Mulholland Dr.", il est devant le rideau rouge du théâtre Silencio ; pour "Vertigo", il est dans la chambre d'hôtel ou Scotty redécouvre Madeleine... L'effet donne une solidité structurelle parfaite aux 150 minutes du documentaire en fusionnant au sens propre l'extrait de film à son commentaire.
Slavoj Zizek est un lacanien : la parole est à la fois l'objet de son étude et son outil. Et çà, il parle ! Exalté et fascinant, assez peu soigné et bourré de tics, gesticulant et théâtral, louchant un peu et avec un cheveux sur la langue (mais s'exprimant dans un anglais parfait), érudit et vulgaire, il est un personnage de film à lui-seul et une fois le documentaire terminé, on ne sait pas trop si on a vu une étude sur le cinéma ou un one-man show délirant. Sans doute un peu des deux. Et dans les deux cas, c'est brillant. C'est ce qui fait tout le sel de The Pervert's Guide to Cinema, hormis le fait que les idées développées par Zizek suggèrent des grilles de lecture passionnantes - et souvent très judicieuses - sur les films qu'il commente et sur le cinéma de fiction en général. Le documentaire est de ceux qui doit être vu plusieurs fois pour en tirer tous les enseignements : la richesse analytique du propos de Zizek ne peut se satisfaire d'une seule vision. D'ailleurs, à la première vision (ce qui est mon cas), on est surtout transporté par l'art outrancier de la conférence que possède le psychanalyste. Les idées (certaines assez difficiles, la psychanalyse lacanienne n'étant pas la plus abordable) se croisent et s'entrechoquent dans un tissu qui peut sembler à priori assez décousu mais doit trouver sa rigueur au revisionnage. Sexualité, pouvoir et identité sont bien entendu au coeur de ses analyses.
Bref, The Pervert's Guide to Cinema est un documentaire sans pareil qui mérite d'être largement plus connu qu'il ne l'est. C'est aussi une création cinématographique et un numéro d'acteur à part entière et un des films les plus riches qu'il m'ait été donné de voir récemment, un vrai tour de force. Et qui fait sacrément réfléchir sur les raisons profondes qui nous font tant aimer le cinéma. Un documentaire que je conseille sans réserve (mais il faut être psychologiquement disponible et pas trop faitgué quand on le regarde pour en tirer toute la substantifique moëlle). J'ai adoré
Voici la liste des films dont Zizek présente des extraits et sur lesquels il base ses théories (vous excuserez par avance cette énumération quelque peu indigeste) :
Possessed (1931) The Matrix (1999) The Birds (1963) Psycho (1960) Duck Soup (1933) Monkey Business (1931) The Exorcist (1973) The Testament of Dr. Mabuse (1933) Alien (1979) The Great Dictator (1940) Mulholland Drive (2001) Alice in Wonderland (1951) The Red Shoes (1948) Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb (1964) Fight Club (1999) Dead of Night (1945) The Conversation (1974) Blue Velvet (1986) Vertigo (1958) Solaris (1972) Wild at Heart (1990) Lost Highway (1997) Persona (1966) In the Cut (2003) Eyes Wide Shut (1999) The Piano Teacher (2001) Three Colors: Blue (1993) Alien: Resurrection (1997) Dogville (2003) The Wizard of Oz (1939) Frankenstein (1931) The Ten Commandments (1956) Saboteur (1942) Rear Window (1954) To Catch a Thief (1955) North by Northwest (1959) Star Wars Episode I: The Phantom Menace (1999) Star Wars Episode III: Revenge of the Sith (2005) Dune (1984) Kubanskie Kazaki (1949) Ivan the Terrible: Part II (1958) Pluto's Judgement Day (1935) Stalker (1979) City Lights (1931)
Dans le genre documentaire sur le cinéma, c'est vraiment une pépite et une expérience à part entière. Ce documentaire est en fait une conférence en anglais du philosophe-psychanalyste (il est aussi sans doute plein d'autres choses) slovène Slavoj Zizek - qui est apparemment très connu dans le milieu psychanalyse lacanienne et sociologie - sur les raisons profondes qui poussent les cinéphiles à regarder sans fin des films et sur les rapports entre le cinéma de fiction et le réel. L'idée force de Zizek est que "le cinéphile regarde un film comme il regarderait dans la cuvette de chiottes de toilettes publiques dont la chasse n'aurait pas été tirée. Le cinéphile dans l'acte de regarder un film tirerait la chasse qui, dans une inversion effroyable et sublime à la fois, lui enverrait toute la m... à la gueule au lieu de vider la cuvette". Il fallait y penser...
Le documentaire est divisé en trois parties de 50 minutes et très abondamment illustré d'extraits de classiques et de films un peu moins connus de l'histoire du cinéma, du cinéma muet aux blockbusters contemporains. La réalisatrice Sophie Fiennes a eu une idée géniale : elle fait parler Zizek dans le décor reconstitué des films qu'il commente, avec la même ambiance. Par exemple, pour parler des "Oiseaux" d'Hitchcock, il parle dans un canot avec lequel il traverse Bodega Bay ; pour "Mulholland Dr.", il est devant le rideau rouge du théâtre Silencio ; pour "Vertigo", il est dans la chambre d'hôtel ou Scotty redécouvre Madeleine... L'effet donne une solidité structurelle parfaite aux 150 minutes du documentaire en fusionnant au sens propre l'extrait de film à son commentaire.
Slavoj Zizek est un lacanien : la parole est à la fois l'objet de son étude et son outil. Et çà, il parle ! Exalté et fascinant, assez peu soigné et bourré de tics, gesticulant et théâtral, louchant un peu et avec un cheveux sur la langue (mais s'exprimant dans un anglais parfait), érudit et vulgaire, il est un personnage de film à lui-seul et une fois le documentaire terminé, on ne sait pas trop si on a vu une étude sur le cinéma ou un one-man show délirant. Sans doute un peu des deux. Et dans les deux cas, c'est brillant. C'est ce qui fait tout le sel de The Pervert's Guide to Cinema, hormis le fait que les idées développées par Zizek suggèrent des grilles de lecture passionnantes - et souvent très judicieuses - sur les films qu'il commente et sur le cinéma de fiction en général. Le documentaire est de ceux qui doit être vu plusieurs fois pour en tirer tous les enseignements : la richesse analytique du propos de Zizek ne peut se satisfaire d'une seule vision. D'ailleurs, à la première vision (ce qui est mon cas), on est surtout transporté par l'art outrancier de la conférence que possède le psychanalyste. Les idées (certaines assez difficiles, la psychanalyse lacanienne n'étant pas la plus abordable) se croisent et s'entrechoquent dans un tissu qui peut sembler à priori assez décousu mais doit trouver sa rigueur au revisionnage. Sexualité, pouvoir et identité sont bien entendu au coeur de ses analyses.
Bref, The Pervert's Guide to Cinema est un documentaire sans pareil qui mérite d'être largement plus connu qu'il ne l'est. C'est aussi une création cinématographique et un numéro d'acteur à part entière et un des films les plus riches qu'il m'ait été donné de voir récemment, un vrai tour de force. Et qui fait sacrément réfléchir sur les raisons profondes qui nous font tant aimer le cinéma. Un documentaire que je conseille sans réserve (mais il faut être psychologiquement disponible et pas trop faitgué quand on le regarde pour en tirer toute la substantifique moëlle). J'ai adoré
Voici la liste des films dont Zizek présente des extraits et sur lesquels il base ses théories (vous excuserez par avance cette énumération quelque peu indigeste) :
Possessed (1931) The Matrix (1999) The Birds (1963) Psycho (1960) Duck Soup (1933) Monkey Business (1931) The Exorcist (1973) The Testament of Dr. Mabuse (1933) Alien (1979) The Great Dictator (1940) Mulholland Drive (2001) Alice in Wonderland (1951) The Red Shoes (1948) Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb (1964) Fight Club (1999) Dead of Night (1945) The Conversation (1974) Blue Velvet (1986) Vertigo (1958) Solaris (1972) Wild at Heart (1990) Lost Highway (1997) Persona (1966) In the Cut (2003) Eyes Wide Shut (1999) The Piano Teacher (2001) Three Colors: Blue (1993) Alien: Resurrection (1997) Dogville (2003) The Wizard of Oz (1939) Frankenstein (1931) The Ten Commandments (1956) Saboteur (1942) Rear Window (1954) To Catch a Thief (1955) North by Northwest (1959) Star Wars Episode I: The Phantom Menace (1999) Star Wars Episode III: Revenge of the Sith (2005) Dune (1984) Kubanskie Kazaki (1949) Ivan the Terrible: Part II (1958) Pluto's Judgement Day (1935) Stalker (1979) City Lights (1931)
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