L'atmosphère de l'été 1944 près d'un petit village de la campagne française est rendue avec un sentiment impressionniste digne d'Une Partie de Campagne de Renoir. Sauf qu'à quelques centaines de mètres des pique-niqueurs rigolards, il y a un petit bataillon d'allemands qui s'ennuient ferme sur la place de la Mairie et qui souhaitent déposer les armes et rentrer le plus vite possible chez eux alors que les Américains approchent (la violence est passée par là quand même, le film le suggère de façon brillante). Tout le monde se rafraîchit à cause de la chaleur, on cherche l'ombre, le vin frais, des couples se forment, on se promène dans les rues du village ou au bord de la rivière, on attend que ça passe. Dans la clocher de l'église, quelques résistants montent la garde. Les Français et les Allemands cherchent à communiquer malgré la méfiance mutuelle et la barrière de la langue, le tocsin se met à sonner et tout dérape...
Avec Les Honneurs de La Guerre, Jean Dewever a fait un film qui, à sa sortie en 1961, a révolté une bonne partie de la presse et du monde politique à cause de son point de vue inédit sur cette période où la Guerre n'est pas encore finie mais où tout le monde, soldats et civils, en a plus que marre. La censure s'en mêlera et détruira la carrière du film. Dewever n'avait pourtant pas voulu faire un film sur l'Occupation et la Résistance : il n'y a pas de héros ni de victimes mais juste des gens qui veulent que tout cette folie s'arrrête. Berlin, Paris et Londres sont juste mentionnés, comme des pays lointains. Si on peut légitimement comprendre la colère que le film a provoqué à sa sortie, 16 ans après la fin du conflit, aujourd'hui le film a sans doute perdu de sa force de polémique (et encore, je n'en revenais pas de cette approche inédite en découvrant le film) mais a gardé toute sa formidable créativité : scénario, réalisation, jeu des comédiens, photo... tout est parfait (ah, ces travelings dans les rues vides du village !). Pas étonnant en effet que pas mal de réalisateurs (dont Truffaut) aient célébré en leur temps l'audace thématique et formelle de ce film maudit, qui coûta néanmoins la carrière de Jean Dewever. Un très grand film sur l'inanité de la guerre qui est aussi un triste et beau conte humaniste.
Différent et splendide, Les Honneurs de la Guerre est à mon avis l'un des plus importants films français du début des années 60.
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