Encore une perle du cinéma britannique des années 60, une comédie dramatique d’une audace thématique qui m’a surpris du début à la fin : The Family Way de Roy Boulting, réalisé en 1966. Un film qui commence par une voix-off comme sortie d’un conte de fées : « Il était une fois une jeune vierge de 20 ans ».
La banlieue de Manchester en 1965. Jenny et Arthur, une petite vingtaine d’années tous les deux, sont au jour de leur mariage. Ils se fréquentent depuis deux mais n’ont encore jamais couché ensemble. La cérémonie religieuse terminée et le festin terminés, ils se retrouvent dans la chambre du jeune homme, qui vit dans la maison de ses parents. Les remarques salaces des copains et de la famille ont mis la pression sur les époux durant toute la soirée et une dernière blague malvenue fait perdre tout ses moyens à Arthur qui n’arrive pas à bander et ruine la nuit de noces. Son épouse se montre d’abord compréhensive mais elle commence à ronger son frein au bout deux mois de mariage non consommés. C’est alors qu’une indiscrétion malheureuse déclenche une rumeur dans le quartier qui va empoisonner la vie du jeune couple et leurs familles respectives…
L’ingéniosité du scénario de The Family Way tient à ce qu’il ne traite pas de l’impuissance masculine en tant que pathologie organique (comme dans La Comtesse aux Pieds-Nus ou Le Bel Antonio) mais psychologique : dès le début, on se rend compte que la pression familiale et sociale que subit Arthur, l’attente de ses proches quant-à l’accomplissement de son devoir conjugal, va avoir des conséquences désastreuses sur le garçon plutôt timide. Les murs sonores de la petite maison familiale, les remarques entendues des invités du mariage, la fierté des parents qui attendent le moment symbolique du passage de leurs enfants à la plénitude sexuelle… sont des muselières sur l’épanouissement du jeune couple qui va en payer le prix cher. Unis à la fois dans les difficultés intimes et devant les railleries de l’entourage, Jenny et Arthur résistent comme ils peuvent aux épreuves qui leurs tombent dessus et menacent la pérennité de leur mariage. L’impuissance d’Arthur est bien sûr l’effet d’une cause que le film condamne sans appel : les risques de la vie au quotidien en commun des générations différentes, une organisation sociale de la famille qui a justement éclaté à la fin des années 1960, lorsque le film a été réalisé. Au-delà de la détresse de deux jeunes adultes, c’est la remise en question toute entière des coutumes familiales de la société occidentale du milieu du XXe siècle que le film dénonce.
Bien sûr, The Family Way est une comédie dramatique : les éléments de comédie sont bien présents, notamment dans les personnages cancaniers des voisines ou dans la description des usages surannés des classes populaires britanniques de l’époque. Les acteurs sont tous excellents : le frêle Hywel Bennett dans le rôle difficile d’Arthur, la très jolie Hayley Mills dans celui de la mariée vierge, les quatre parents (le père d’Arthur étant joué par John Mills, qui était dans la réalité le père de Hayley Mills, sa belle-fille dans le film) et par Murray Head, dans le rôle du frère d’Arthur, qui n’arrive pas à comprendre pourquoi celui-ci délaisse sa jeune et belle épouse.
La réalisation de Roy Boulting, qui semble à priori passe-partout, apparaît pourtant comme traversée par des moments d’une intense poésie (comme dans ce très beau passage où la mère d’Arthur confie des souvenirs lointains à celle de Jenny dans un coin de cuisine et où le décor derrière elle change de forme et de couleur pour devenir celui d’un ailleurs de rêve ou encore dans l’utilisation très étonnante de lumières, modèles et toiles peintes qui affichent leur artificialité pour certains décors). Le film est en Eastmancolor, ce procédé couleur qui donne aux teintes une splendide fausse réalité. Ces éléments permettent à The Family Way d’échapper au fameux genre du « Kitchen Sink Realism » (« Réalisme d’Evier de Cuisine » - sic !) qui produisit tant de chefs-d’oeuvre et connut son heure de gloire en Angleterre entre 1955 et 1965. Si l’histoire du film y fait beaucoup penser, sa forme s’y oppose complètement.
La fin est assez prévisible bien sûr mais elle est parfaitement justifiée. Et pourtant, ultime étonnement de ce film qui en réserve pas mal, dans la toute dernière scène, le personnage du père d’Arthur (dans un bouleversant numéro d’acteur de John Mills) révèle en quelques mots une face cachée de sa personnalité qui jette sur tout le reste du film un sentiment de mélancolie qui prend le spectateur complètement par surprise. Sublime dernière image qui m’a fait monter, en un éclair, une boule d’émotion dans la gorge.
The Family Way fit évidemment l’objet de polémiques lors de sa sortie à cause de la franchise avec laquelle il abordait les thèmes sulfureux de l’impuissance masculine et du désir sexuel des jeunes mariées. La sortie tumultueuse de The Family Way fut suivie d’un autre scandale, quelques années plus tard, quand la jeune Hayley Mills épousa le réalisateur du film, âgé de 33 ans de plus qu’elle. Plus de quarante après, la portée scandaleuse du film est depuis longtemps atténuée mais son message aux jeunes adultes reste d’actualité : si vous voulez grandir, sachez prendre le large avec votre famille de sang.
La banlieue de Manchester en 1965. Jenny et Arthur, une petite vingtaine d’années tous les deux, sont au jour de leur mariage. Ils se fréquentent depuis deux mais n’ont encore jamais couché ensemble. La cérémonie religieuse terminée et le festin terminés, ils se retrouvent dans la chambre du jeune homme, qui vit dans la maison de ses parents. Les remarques salaces des copains et de la famille ont mis la pression sur les époux durant toute la soirée et une dernière blague malvenue fait perdre tout ses moyens à Arthur qui n’arrive pas à bander et ruine la nuit de noces. Son épouse se montre d’abord compréhensive mais elle commence à ronger son frein au bout deux mois de mariage non consommés. C’est alors qu’une indiscrétion malheureuse déclenche une rumeur dans le quartier qui va empoisonner la vie du jeune couple et leurs familles respectives…
L’ingéniosité du scénario de The Family Way tient à ce qu’il ne traite pas de l’impuissance masculine en tant que pathologie organique (comme dans La Comtesse aux Pieds-Nus ou Le Bel Antonio) mais psychologique : dès le début, on se rend compte que la pression familiale et sociale que subit Arthur, l’attente de ses proches quant-à l’accomplissement de son devoir conjugal, va avoir des conséquences désastreuses sur le garçon plutôt timide. Les murs sonores de la petite maison familiale, les remarques entendues des invités du mariage, la fierté des parents qui attendent le moment symbolique du passage de leurs enfants à la plénitude sexuelle… sont des muselières sur l’épanouissement du jeune couple qui va en payer le prix cher. Unis à la fois dans les difficultés intimes et devant les railleries de l’entourage, Jenny et Arthur résistent comme ils peuvent aux épreuves qui leurs tombent dessus et menacent la pérennité de leur mariage. L’impuissance d’Arthur est bien sûr l’effet d’une cause que le film condamne sans appel : les risques de la vie au quotidien en commun des générations différentes, une organisation sociale de la famille qui a justement éclaté à la fin des années 1960, lorsque le film a été réalisé. Au-delà de la détresse de deux jeunes adultes, c’est la remise en question toute entière des coutumes familiales de la société occidentale du milieu du XXe siècle que le film dénonce.
Bien sûr, The Family Way est une comédie dramatique : les éléments de comédie sont bien présents, notamment dans les personnages cancaniers des voisines ou dans la description des usages surannés des classes populaires britanniques de l’époque. Les acteurs sont tous excellents : le frêle Hywel Bennett dans le rôle difficile d’Arthur, la très jolie Hayley Mills dans celui de la mariée vierge, les quatre parents (le père d’Arthur étant joué par John Mills, qui était dans la réalité le père de Hayley Mills, sa belle-fille dans le film) et par Murray Head, dans le rôle du frère d’Arthur, qui n’arrive pas à comprendre pourquoi celui-ci délaisse sa jeune et belle épouse.
La réalisation de Roy Boulting, qui semble à priori passe-partout, apparaît pourtant comme traversée par des moments d’une intense poésie (comme dans ce très beau passage où la mère d’Arthur confie des souvenirs lointains à celle de Jenny dans un coin de cuisine et où le décor derrière elle change de forme et de couleur pour devenir celui d’un ailleurs de rêve ou encore dans l’utilisation très étonnante de lumières, modèles et toiles peintes qui affichent leur artificialité pour certains décors). Le film est en Eastmancolor, ce procédé couleur qui donne aux teintes une splendide fausse réalité. Ces éléments permettent à The Family Way d’échapper au fameux genre du « Kitchen Sink Realism » (« Réalisme d’Evier de Cuisine » - sic !) qui produisit tant de chefs-d’oeuvre et connut son heure de gloire en Angleterre entre 1955 et 1965. Si l’histoire du film y fait beaucoup penser, sa forme s’y oppose complètement.
La fin est assez prévisible bien sûr mais elle est parfaitement justifiée. Et pourtant, ultime étonnement de ce film qui en réserve pas mal, dans la toute dernière scène, le personnage du père d’Arthur (dans un bouleversant numéro d’acteur de John Mills) révèle en quelques mots une face cachée de sa personnalité qui jette sur tout le reste du film un sentiment de mélancolie qui prend le spectateur complètement par surprise. Sublime dernière image qui m’a fait monter, en un éclair, une boule d’émotion dans la gorge.
The Family Way fit évidemment l’objet de polémiques lors de sa sortie à cause de la franchise avec laquelle il abordait les thèmes sulfureux de l’impuissance masculine et du désir sexuel des jeunes mariées. La sortie tumultueuse de The Family Way fut suivie d’un autre scandale, quelques années plus tard, quand la jeune Hayley Mills épousa le réalisateur du film, âgé de 33 ans de plus qu’elle. Plus de quarante après, la portée scandaleuse du film est depuis longtemps atténuée mais son message aux jeunes adultes reste d’actualité : si vous voulez grandir, sachez prendre le large avec votre famille de sang.
Le DVD Z2 UK (Optimum / Studio Canal) est parfait pour l’image et le son. Mais il n’y a pas de sous-titres (ni français, ni anglais) et il faut parfois s’accrocher pour décrypter l’accent de Manchester. Et encore un film que les éditeurs français devraient penser à sortir !
La bande son de ce film a été composé par Paulo le Gaucher, des Scarabées, aussi populaire (plus ?) que le Christ...
RépondreSupprimerThat's true! C'est d'ailleurs sympa de découvrir comme ça, au détour de films méconnus, le travail de superstars dans des projets à faible visibilité. Paul McC ici, Bowie dans Whan the wind blows, chroniqué ici aussi.
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