20 septembre 2008

Beat Girl (Edmond T. Greville, 1959)



Découvert il y seulement quelques jours grâce aux posts savoureux d’un forumeur des antipodes sur l’excellent Forum Criterion (David, if you read this, know that this one is dedicated to you), un vrai bijou du cinéma d’exploitation britannique des années 50 qui vient de sortir en DVD (Z2 UK) dans une édition non censurée plus que correcte : le grandiose Beat Girl de Edmond T. Gréville.

Londres en 1959. La jeune Jennifer (16 ans), fille d’un architecte moderniste de renom fréquente une bande de Beatnicks plutôt sympas qui traîne de cafés en boîtes, fume des clopes et gratte la guitare. Son père vient de se remarier depuis cinq jours avec une française de 24 ans, blonde et sexy, que Jennifer prend immédiatement en grippe. Révoltée par ce remariage, elle se perd dans le monde de la nuit et est attirée par un club de strip-tease où elle apprend par hasard que sa belle-mère est une ex-strip-teaseuse parisienne qui cache son passé et croit s’être refait une respectabilité en épousant un notable. La gamine tient sa vengeance. Le patron du club, lui, voit dans la jeune délurée une strip-teaseuse en puissance…

A la lecture de ce résumé, vous pourriez croire que Beat Girl (L’Aguicheuse lors de sa sortie en France en 1960) est l’un des innombrables navets qui jalonne l’histoire des films de délinquance juvénile. Vous vous tromperiez lourdement.

D’abord parce que le film bénéficie d’un casting impeccable : David Farrar (qui a pris un sacré coup de bouteille depuis Le Narcisse Noir) est le père architecte ; la française Noëlle Adam (qui parle anglais avec ce qui doit être le pire accent français jamais prononcé dans un film anglophone et qui, pour la petite histoire, devint plus tard la compagne pendant 30 ans de Serge Reggiani : ah, le couple !) ; Christopher Lee, tout frais émoulu de Dracula, est le proprio du club de strip-tease ; le blondinet Adam Faith, pop-star britannique de l’époque, est le Beatnick pour qui Jennifer a le béguin ; Oliver Reed, à 22 ans, y commence quasiment sa carrière dans une prestation à la limite du j’m’en-foutisme ; quelques strip-teaseuses professionnelles ont des petits rôles où elles font ce qu’elles savent le mieux faire et le font très bien ; enfin, Jennifer est jouée par la petite sauvageonne en cheveux Gillian Hills (14 ans à l’époque du tournage !), une sorte de mini-Brigitte Bardot qui fixe les mecs sans cligner des yeux et n’a peur de rien (enfin de presque rien). Toute cette équipe (à part Oliver Reed, totalement cool) semble prendre les choses assez au sérieux et ils réussissent à donner corps à leur personnages stéréotypés.

A sa sortie, le film fut lourdement censuré, notamment deux scènes de strip-tease dont l’une, assurée par la torride Laya Rakis, peut encore donner des suées 50 ans après (franchement je n’en revenais pas de voir une scène aussi hot datant de 1959 !). Furent aussi censurés quelques expressions Beatnicks un peu trop lestes et un gros-plan sur Oliver Reed, qui vibre sur la musique d’une boîte avec une expression sur le visage digne d’un généreux orgasme (voir l'extrait YouTube ci-dessous). Le fait que le film soit britannique et que le réalisateur soit français a du aider à la liberté de ton de l’ensemble, impensable dans un film américain de cette époque, par exemple.

Plein de petits détails sont les cerises sur la gâteau : l’architecte de père à chez lui une grande maquette de son projet de « Ville de l’An 2000 » (à côté de quoi sommes-nous passés !) ; sa splendide maison est un exemple d’architecture et de déco Fifties ; la restitution des cafés et clubs Beatnicks montre bien les lieux de zone des jeunes anglais de ces temps lointains ; les références évidentes à d’autres films sur la jeunesse en révolte, de La Fureur de Vivre à Et Dieu Créa la Femme ; les chansons qui parsèment le film dont une aux paroles hilarantes : « It’s Legal » ; les expressions typiquement Beatnick auxquelles on ne comprend rien mais qui ont un très fort pouvoir de suggestion…

Le réalisateur Edmond T. Gréville réussit deux ou trois morceaux de bravoure, dont la scène – très attendue - du strip-tease de la jeune Jennifer, chez elle, lors d’une soirée improvisée chez son père avec ses copains pour faire chier sa belle-mère qui dort à l’étage. C’est une scène qui dure environ 5 minutes et qui mériterait, par sa mise-en-scène et son énergie, de faire l’objet de l’implication des spectateurs un peu comme c’était le cas pour le Rocky Horror Picture Show. Il faut voir le cœur qu’y met la petite Gillian Hills : un vrai bonheur !

Et j’oubliais un autre élément d’importance : la musique est la toute première composée pour le cinéma par John Barry. On y entend déjà des structures et accords qu’il reprendra deux ans plus tard dans son thème de James Bond pour Dr No. Le thème principal « Beat Girl » est tout bonnement génial (il ouvre le film et est repris dans une longue séquence de danse en night-club).

Bref, Beat Girl est un film que j’ai déjà vu deux fois en entier et je ne compte plus les séquences repassées sur mon lecteur, juste pour le fun. Je me demandais même il y a quelques heures : « Comment ai-je pu vivre sans ce film jusqu’à maintenant ? » (j’vous jure !). C’est un peu exagéré, mais un peu seulement. It’s that good !

Et comme on est en 1959, le film se termine quand même par une morale qui peut encore nous faire réfléchir un demi-siècle après : vous ne vous méfierez jamais assez des blondes et des Beat !



Un extrait de Beat Girl (le type en chemise de bûcheron est Oliver Reed)

2 commentaires:

  1. Jamais vu le film... J'en rêvais quand, il y a vingt ans, je suis tombé sur le disque de la bande-son... L'ai écoutée un paquet de fois.
    Alors, comme ça, y a une scène de night club dessus...? Tu me fais rêver !

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    1. Il faut vraiment qu tu voies le film. Il existe en DVD anglais. Il y a bien une scène de night club (dans une cave) et d'autres moments musicaux très chouettes. C'est un très bon marqueur de son époque, juste avant la vague Beatles/Stones.

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